Christianisés au IIIe siècle, les Arméniens furent, dès 640, menacés par les Turcs. Lors de la conquête de la Grande Arménie, entre 1386 et 1394, Timûr, sinistre précurseur, massacra une grande partie de la population. Entre 1894 et 1896, sous le règne d'Abdul Hamid II, sultan depuis 1876, un plan d'extermination est dressé qui fera plus de 150 000 victimes. Initiateur du génocide arménien, Abdulhamid sera déposé par une junte en 1909, qui continuera avec application le massacre (plus d'un million de morts en 1915), et il mourra exilé à Thessalonique, en 1918.
En 1898, l'homme de lettres Edmond Fazy (1870- 1910) imagine, dans quelques pages d'un roman baroque, l'envoi à Constantinople d'Ubu et de Vacher l'Éventreur pour liquider le sultan. Mais Ubu va profi ter de cette mission spéciale pour reprendre le pouvoir ! À partir de cette fantaisie « hénaurme », Clément Maraud poursuit la geste d'Ubu sultan dont l'humour féroce dynamite la cruauté et la bigoterie d'Hamid le fourbe. Un siècle après le génocide de 1915, cette pièce est publiée et jouée (par le Théâtre d'Or) dans une période où la Turquie d'Erdogan renoue avec les vieux démons : réislamisation de la société, grignotage des libertés laïques et démocratiques, acharnement contre la minorité kurde, mais, comme dirait Ubu, il n'y a plus aujourd'hui d'Arméniens à décerveler.
En prélude au drame, une étude cerne la personnalité d'Hamid « le Saigneur », cet assassin méthodique.