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GALLIMARD
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«Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre, avec un visage grave, solennel, et des yeux immmobiles. Je n'avais jamais perçu autant d'autorité profonde irradier de quelqu'un... Elle mélangeait le créole et le français, le mot vulgaire, le mot précieux, le mot oublié, le mot nouveau...» Et c'est ainsi que Marie-Sophie Laborieux raconte à l'auteur plus de cent cinquante ans d'histoire, d'épopée de la Martinique, depuis les sombres plantations esclavagistes jusqu'au drame contemporain de la conquête des villes.D'abord, les amours d'Esternome, le «nègre-chien» affranchi, avec la volage Ninon qui périt grillée dans l'explosion de la Montagne Pelée, puis avec Idoménée l'aveugle aux larmes de lumière, qui sera la mère de Marie-Sophie. Dans les temps modernes, Marie-So erre d'un maître à l'autre, au gré de mille et un «djobs» qui l'initient à l'implacable univers urbain. Ses amours sont sans lendemain. Devenue l'âme du quartier Texaco, elle mène la révolte contre les mulâtres de la ville, contre les békés qui veulent s'approprier les terres, contre les programmes de développement qui font le temps-béton.Patrick Chamoiseau a sans doute écrit, avec Texaco, le grand livre de l'espérance et de l'amertume du peuple antillais, depuis l'horreur des chaînes jusqu'au mensonge de la politique de développement moderne. Il brosse les scènes de la vie quotidienne, les moments historiques, les fables créoles, les poèmes incantatoires, les rêves, les récits satiriques. Monde en ébullition où la souffrance et la joie semblent naître au même instant.
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Écrire en pays dominé c'est l'histoire d'une vie, la trajectoire d'une conscience, l'intime saga d'une écriture qui doit trouver sa voix entre langues dominantes et langues dominées, entre les paysages soumis d'une terre natale et les horizons ouverts du monde, entre toutes les ombres et toutes les lumières. Écrivain, Marqueur de Paroles, et finalement Guerrier, Patrick Chamoiseau interroge les exigences contemporaines des littératures désormais confrontées aux nouvelles formes de domination et à la présence du Total-monde dans nos imaginaires.
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L'esclave vieil homme et le molosse
Patrick Chamoiseau
- GALLIMARD
- Blanche
- 11 Avril 1997
- 9782070740956
«Du temps de l'esclavage dans les isles-à-sucre, il y eut un vieux-nègre sans histoires ni gros-saut, ni manières à spectacle. Il était amateur de silence, goûteur de solitude. C'était un minéral de patiences immobiles. Un inépuisable bambou. On le disait rugueux telle une terre du Sud ou comme l'écorce d'un arbre qui a passé mille ans. Pourtant, la Parole laisse entendre qu'il s'enflamma soudain d'un bel boucan de vie.Ainsi m'est parvenue l'histoire de cet esclave vieil homme, de son Maître-béké et du molosse qu'on lança à ses trousses. Une histoire à grands sillons d'histoires variantes, en chants de langue créole, en jeux de langue française et de parlures rêvées. Seules de proliférantes mémoires pourraient en suivre les emmêlements. Ici, soucieux de ma parole, je ne saurais aller qu'en un rythme léger flottant sur leurs musiques...»Patrick Chamoiseau.
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Robinson Crusoé vient de passer vingt ans de solitude dans son île déserte. Il a dû reconstruire son équilibre. C'est avec fierté - celle d'avoir soumis l'île à sa domination - qu'il entame ce matin-là une promenade rituelle sur la plage où il avait mystérieusement échoué il y a tant d'années.
C'est alors qu'il découvre l'inconcevable : dans le sable, une empreinte. Celle d'un homme.
Passé l'affolement, puis la posture agressive et guerrière, le solitaire s'élance à la recherche de cet Autre qui lui amène ce dont il avait oublié l'existence : l'idée même de l'humain. Commence alors une étrange aventure qui le précipite en présence de lui-même et d'une île inconnue jusqu'alors.
Celui qui avait réussi à survivre sans civilisation, sans culture, sans autrui, doit maintenant affronter ce qu'il n'aurait pu imaginer ailleurs qu'ici : la relation à l'impensable.
Après les Robinson de Defoe et Tournier, voici donc celui de Chamoiseau, démarquage créole des deux précédents, avec les propres thèses de l'auteur (notamment sur « l'Autre »). La langue est luxuriante comme l'île décrite avec intimité, en fin connaisseur amoureux qu'est Chamoiseau. C'est donc une exploration fine d'une âme en proie aux chimères, à la mémoire chancelante (des mots surgissent du passé, ceux d'une culture livresque et occidentale), qui nous est proposée ici et pose la question de la civilisation, de l'origine, de l'altérité, du langage, de la nature (avec le concours récurrent de Parménide et Héraclite).
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Un Malfini, grand rapace assuré de sa magnificence, découvre un jour l'existence des colibris... Tout à la fois fable naturaliste, geste épique et méditation philosophique, ce roman initiatique élabore une défense et illustration de l'imaginaire et une poétique du vivant qui s'attache à la conscience écologique.
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Un dimanche de pluie, une petite fille se réfugie sous une voûte de pierre, dans le jardin du foyer qui l'a recueillie. Terrassée par une souffrance indépassable, elle reste prostrée dans l'ombre et ne veut plus en sortir. On sollicite alors Patrick Chamoiseau, écrivain, Marqueur de Paroles, et surtout éducateur en matière de justice. Mais tandis qu'il vient au secours de l'enfant, il devine ce qu'elle ignore : cette voûte de pierre n'est autre que le plus effrayant des vestiges. C'est un cachot dont les parois balisent une ténébreuse mémoire, qui dérive loin dans les impensables de l'Histoire, dans l'intransmissible de l'esclavage, ce crime sans châtiment.
Désemparé, l'éducateur lui raconte d'abord ce qui lui vient à l'esprit (sous les auspices de Faulkner, Saint-John Perse et Glissant). S'ensuit une histoire de chair et de sang, une tremblante évocation qui se déplace dans le réel et l'imaginaire, dans le présent et les temps anciens de l'Habitation où vivait L'Oubliée, l'esclave rebelle... Car c'est l'oeuvre du Marqueur de Paroles de capter les signes et les traces, les langues et les cultures, de considérer les présences qui nous habitent, ce qui s'est abîmé ou s'est effacé, et qui pourtant nous fonde et nous initie...
Qui sait ce que le cachot le plus effrayant peut refléter, ou libérer, de l'éclat du monde ?
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Jadis, au-delà de l'aurore et du crépuscule, les bois symbolisaient la demeure de la divinité, et ainsi de la Martinique. Mais les dieux sont partis laissant derrière eux, dans l'obscurité des siècles, des esprits qui enflamment toujours les racines des forêts, tandis que le temps poursuit sa route. Balthazar Bodule-Jules était né, disait-il, il y a de cela quinze milliards d'années - et néanmoins, en toutes époques, en toutes terres dominées et sous toutes oppressions. Alors que, désenchanté, il décide de mourir, il se souvient tout à coup des sept cent vingt-sept femmes qu'il avait tant aimées... Ces créatures mémorielles le ramènent au long cours de sa vie sur les rives de la Terre, parmi le fracas de ses guerres auprès du Che en Bolivie, de Hô Chi Minh au Vietnam, de Lumumba au Congo, de Frantz Fanon en Algérie... Dans ce vrac de mémoire, le vieux rebelle découvre la dimension initiatique de son enfance soumise à la grandiose autorité d'une femme des bois, Man L'Oubliée, seule capable de s'opposer aux damnations de la diablesse. Il prend la mesure des enseignements d'une ardente communiste que l'on croit être un homme ; puis il élucide enfin l'étrange douceur de celle qui lui paraissait la plus fragile de toutes : la céleste Sarah-Anaïs-Alicia... Le narrateur (Marqueur de paroles et en final Guerrier) s'identifie insensiblement à ce rebelle qui l'emplit d'une connaissance littéraire des temps anciens et des temps à venir. Car, au terme d'une vie dont il ne pensait retenir que l'échec, l'agonisant accède à une autre conscience : cet amour-grand qui relie les contraires...
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Éloge de la créolité / in praise of creoleness
Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant
- GALLIMARD
- Hors Serie Litterature
- 13 Mai 1993
- 9782070733231
«Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. Cela sera pour nous une attitude intérieure, mieux : une vigilance, ou mieux encore, une sorte d'enveloppe mentale au mitan de laquelle se bâtira notre monde en pleine conscience du monde.» Publié en 1989, cet éloge de l'identité créole, cette quête lyrique «d'une pensée plus fertile, d'une expression plus juste, d'une esthétique plus vraie», fonde un art poétique qui devait très vite, dans une illustration magnifique, donner des oeuvres importantes : Raphaël Confiant a reçu le prix Novembre pour Eau de Café (1991), Patrick Chamoiseau le prix Goncourt pour Texaco (1992). Neither Europeans, nor Africans, nor Asians, we proclaim ourselves to be Creoles. For us this will be a state of mind, or, rather, a state of vigilance, or, better still, a sort of mental envelope within which we will build our world, in full awareness of the world. Published in 1989, this hymn to the Creole identity, this lyrical quest for a more fertile way of thinking, for a more accurate means of expression, and for a more genuine aesthetics, laid the foundations of a poetic art that was very quickly, and brilliantly, to produce major works : Raphaël Confiant was awarded the prix Novembre for Eau de Café (1991), and Patrick Chamoiseau received the prix Goncourt for Tewaco (1992).
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«Un jour, bien des années avant l'épreuve du mabouya, le négrillon s'aperçut que les êtres-humains n'étaient pas seuls au monde : il existait aussi les petites-filles. Intrigué mais pas abasourdi comme il aurait dû l'être, il ne put deviner combien ces créatures bouleverseraient le fil encore instable de sa pauvre petite vie...» Dès lors, où situer ces petites-filles que le négrillon zieute par les persiennes de son école... ces créatures étranges qui «ressemblent à des êtres-humains, sauf qu'elles portent des nattes, des papillottes, et des noeuds papillons assortis aux robes-à-fleurs et à dentelles...» ? Sale temps pour le négrillon qui, à bout de souffle, entre Éros et Thanatos, doit aussi résoudre son Oedipe et explorer les différents usages d'un certain... ti-bout de son anatomie ! Et c'est la quête irrésistible d'une Irréelle, «une chabine aux cheveux mi-rouges mi-jaunes, et aux pupilles indéfinissables», qui referme cette geste subversive de l'enfance et de cette mémoire-sable que le grand «Marqueur de parole» célébrait dans Éloge de la créolité...
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Ayant dépassé l'Antan d'enfance, abandonné l'activité de suceur de tétée, le négrillon, lancé dans l'infini de la maison, en éplucha toutes les ressources. Bientôt, il se mit à buter contre l'unique obsession : aller !
Aller.
Nouvelle traversée. Le Maître comme capitaine «voguant immatériel sur les cimes du savoir universel», grand pourfendeur de sabir créole, négateur des fastes de la culture dominée. «Ô vertige mi ! Tête perdue !» Le négrillon aura «des temps de blonde enfance, rouge aux joues et yeux bleus». Retour à la langue-manman quand il fallait lâcher l'émotion, balancer un senti, s'exprimer longtemps. Retour au pays natal et à la parole de Gros-Lombric, un petit bougre, noir bleuté, maître-force en magie créole qui, jour après jour, ramène des confins de l'en-ville des contes de zombis, des Chouval-trois-pattes, les bels passages de l'oiseau glanglan, les vertus des poules-frisées, les coups-de-cervelles de Ti-Jean-Lorizon. Gros-Lombric, le double, écolier marron de l'École coloniale.
De la confrontation de ces deux trajectoires, le négrillon tirera la substance de son écriture.
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Le commandeur d'une pluie ; l'accra de la richesse
Patrick Chamoiseau, William Wilson
- Gallimard Jeunesse Giboulées
- Hors Serie Giboulees
- 30 Octobre 2002
- 9782070588190
Ecrits à des heures de lunes, ces deux contes de patrick chamoiseau nous entraînent dans un monde de mots étranges et de magie souterraine.
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Patrick Chamoiseau, auteur de Texaco, prix Goncourt 1992, nous donne ici ses souvenirs d'enfance. Enfance prise dans l'En-ville de Fort-de-France, dans le giron de la merveilleuse Man Ninotte qui ne cesse d'organiser la vie familiale avec un art de vivre et de survivre dont le cocasse et la poésie nous charment. Comme le souligne Milan Kundera, «les souvenirs d'enfance de Chamoiseau sont exempts du moindre narcissisme, l'enfance étant pour l'auteur avant tout l'âge de la plus grande soif de réalité». Sous le regard du négrillon se révèle la société créole chatoyante, complexe, aux origines multiples, symbolisée par une ville qui lui ressemble. Il y vivra ses premières expériences : les jeux, la rue, les marchés, le cinéma et aussi la négritude, l'injustice sociale, le racisme. Chronique d'une enfance martiniquaise écrite dans une langue réinventée, Antan d'enfance allie l'art du conteur créole à celui des maîtres de la littérature classique.
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À partir des peintures de Maure et des récits traditionnels antillais, Patrick Chamoiseau tisse une vingtaine de contes «émerveilles» pour habiller la vie. L'Émerveille mobilise les légendes, les mythes, les fables, les contes, les sagas, les miracles, les événements inexplicables, les êtres incertains, les zombis. Elle mélange le fantastique, l'étrange et la simple merveille de l'âme enfantine... L'Émerveille imagine le monde réenchanté...
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Elmire des sept bonheurs
Patrick Chamoiseau, Jean-luc de Laguarigue
- Gallimard
- 24 Mars 1998
- 9782070751679
«Un siècle de belles-paroles flotte autour de la distillerie Saint-Étienne. Autant que des touffes de bambous dans une ravine sans fond. Des secrets flottent aussi. Une boule de secrets qui raccordent 1893 au jour d'aujourd'hui. Les anciens travailleurs vont sembler les connaître, mais je suis le seul en vérité à les compter dans ma mémoire.» Patrick Chamoiseau.