« Il ne suffit plus de développer, d'améliorer, de réformer l'enseignement, il faut le... révolutionner. » (Célestin Freinet) C'est d'abord dans les colonnes de la revue syndicale L'École émancipée puis dans celles de L'Éducateur prolétarien que Célestin Freinet (1896-1966) a témoigné de ses engagements sociaux et éducatifs. Ses réalisations pédagogiques, au sein de l'institution scolaire publique, n'avaient pour lui de sens qu'adossées à la lutte des dominé-e-s pour renverser l'ordre établi.
On ne peut oeuvrer à une autre école sans se soucier de la marche du monde, sans s'attacher, dans et hors de la classe, à le transformer.
On ne peut lutter contre la montée du fascisme, les crises générées par le capitalisme, le développement de la misère et des guerres, en perpétuant, à travers ses pratiques quotidiennes, une pédagogie conservatrice, autoritaire et inégalitaire.
Tel est l'héritage du pédagogue et du militant que fut Célestin Freinet dont on suit ici le cheminement et le mûrissement de la pensée.
L'année 2016 marque un double anniversaire : celui du cinquantenaire de sa sa mort (1966). Mais aussi l'anniversaire du Front populaire, tant en France qu'en Espagne, dans lesquels Freinet plaça ses espoirs.
À travers ce choix d'écrits publiés entre 1920 et 1939, se révèle l'actualité des combats d'un instituteur révolutionnaire qui voulait tout à la fois changer le monde et l'école.
Édition établie et annotée par Catherine Chabrun et Grégory Chambat.
Entré à l'École normale d'instituteurs de Nice en octobre 1912, il en sort prématurément à la fin de l'année scolaire 1914, pour exercer les fonctions d'intérimaire à Saint-Cézaire, au-dessus de Grasse, la guerre ayant envoyé au front les maîtres d'école. Le 10 avril 1915, il est mobilisé. Le 15 août, il entre à Saint-Cyr comme aspirant. Le 26 février 1916, il arrive dans les tranchées de Champagne. Un an et demi après, le 23 octobre 1917, il est blessé au poumon droit dans le bois des Gobineaux, sur le Chemin des Dames. Il vient d'avoir vingt et un ans.
« Touché ! » raconte les circonstances de sa blessure et ses premiers mois d'hospitalisation. Ce texte a été rédigé dans le courant de l'année 1919, à partir des notes d'un carnet de campagne qu'il a tenu depuis son incorporation jusqu'au 11 novembre 1918. « Touché ! Souvenirs d'un blessé de guerre » a été publié une première fois en 1920, par la Maison française d'art et d'édition.
Il n'avait jamais été réédité.
Célestin Freinet est mort, à Vence, le 8 octobre 1966. Il aurait eu soixante-dix ans la semaine suivante. Dix-huit mois plus tard, à la faveur d'un libéralisme universitaire qu'il souhaitait depuis fort longtemps, sa pédagogie a franchi les limites de l'école primaire, et même du domaine scolaire proprement dit. Le développement de la personnalité de chacun, la création individuelle, ont pris une importance telle qu'une partie des relations sociales s'en sont trouvées bouleversées. " Former en l'enfant l'homme de demain ", la formule est devenue si célèbre que l'on a oublié qu'il en est l'auteur. Freinet a beaucoup écrit : des centaines d'articles pour sa revue L'Educateur et quelques livres, probablement trop peu nombreux. Il a également été beaucoup traduit : ses ouvrages, publiés en vingt-quatre langues, totalisent plus de cent éditions différentes. Mais, depuis quelques années, l'ensemble de ses oeuvres pédagogiques était difficile à trouver en France. Il devenait nécessaire de les mettre à la disposition du public français, c'est-à-dire des enseignants, des étudiants, des parents, mais aussi de tous ceux pour qui l'éducation représente un des problèmes les plus aigus de notre temps. La présente édition s'efforce de répondre à cette préoccupation.